<225>ces grains, réduits au désespoir par la famine, assommèrent ces maîtres inhumains, et pillèrent leurs greniers.
La famine continua avec la même violence, la peste s'ensuivit, et la désolation parvint à son comble. Les restes de ces malheureux habitants que la mort et les ennemis avaient épargnés, ne pouvant tenir contre tant de calamités, abandonnèrent leur patrie infortunée, et se réfugièrent dans les pays voisins. Toute la Marche n'était qu'un affreux désert; elle offrait un spectacle déplorable de ruines, d'incendies, et de tous les fléaux qu'une guerre longue et furieuse entraîne après elle : à peine découvrait-on, sous tant d'horreurs et de saccagements, dans des lieux devenus tout sauvages, les traces des anciens habitants.
C'en eût été fait du Brandebourg, si Frédéric-Guillaume ne se fût obstiné à son rétablissement : sa prudence, sa fermeté et le temps vainquirent tous ces obstacles; il fit la paix, il prit des arrangements, et tira enfin l'État de sa ruine. Le Brandebourg devint effectivement un nouveau pays, formé du mélange de différentes colonies de toutes sortes de nations, qui s'allièrent dans la suite à ceux des anciens habitants qui étaient échappés à sa destruction. Soit que l'année fût abondante, soit défaut de consommation, les denrées furent à un si bas prix, que le boisseau de blé se vendait à douze gros.
La guerre de trente ans, entre les maux qu'elle causa, détruisit en particulier le peu de commerce que le nord de l'Allemagne faisait. Nous tirions anciennement nos sels de Hollande et de France : les provisions, qui ne pouvaient être renouvelées pendant ces troubles, s'épuisèrent; ce défaut d'une denrée aussi nécessaire, fit avoir recours à l'industrie, et l'on trouva des sources salées à Halle, qui fournirent non seulement aux besoins du Brandebourg, mais encore à ceux des pays voisins.
Les Hollandais formèrent la première colonie qui vint s'établir dans l'Électorat : ils renouvelèrent l'espèce des professionnaires et des artisans; ils formèrent des projets pour la vente des bois de haute futaie, qui se trouvaient en grande abondance, la guerre de trente ans ayant fait de tout le pays une vaste forêt. Sur la vente de ces bois roula ensuite une des branches principales de notre commerce. L'Électeur permit même à quelques familles