<235>de Potsdam,70 et il la peupla. Il ne fit pas le moindre bâtiment pour lui-même, mais tout pour ses sujets. L'architecture de son règne est généralement infectée par le goût hollandais; il serait à désirer que les grandes dépenses que ce prince fit en bâtiments, eussent été dirigées par de plus habiles architectes. Il eut le sort de tous les fondateurs des villes, qui occupés par la solidité de leurs desseins, ont la plupart négligé ce qui, avec la même dépense, les aurait embellies et ornées davantage.

Berlin, après son augmentation, reçut une police nouvelle,71 sur le pied à peu près de celle de Paris : on établit dans tous les quartiers de la ville des officiers de police; l'usage des fiacres fut institué en même temps; on purgea la ville de ces fainéants qui se nourrissent à force d'importunités; et ces malheureux objets de nos dégoûts et de notre compassion envers lesquels la nature n'a été qu'une marâtre, trouvèrent des asiles dans les hôpitaux publics.

Pendant que tous ces changements se firent, le luxe, la magnificence et les plaisirs disparurent; l'esprit d'épargne s'introduisit dans tous les états, chez le riche comme chez le pauvre. Sous les règnes précédents, beaucoup de nobles vendaient leurs terres pour acheter du drap d'or et des galons; cet abus cessa. Dans la plupart des États prussiens, les gentilshommes ont besoin d'une bonne économie, pour soutenir leurs familles, à cause que le droit de primogéniture n'a point lieu, et que les pères, ayant beaucoup d'enfants à établir, ne peuvent procurer que par leur épargne un revenu honnête à ceux qui, après leur mort, partagent leur maison dans des branches nouvelles. Cette diminution dans la dépense du public n'empêcha pas beaucoup d'artisans de se perfectionner; nos carrosses, nos galons, nos velours, et nos ouvrages d'orfèvrerie, se répandirent par toute l'Allemagne.

Mais ce qu'il y eut de déplorable, ce fut que, pendant qu'on faisait des arrangements si utiles et si grands, on laissa tomber dans une décadence entière l'Académie des Sciences, les universités, les arts libéraux et le commerce. On remplissait mal et


70 A peine y avait-il quatre cents habitants dans cette ville, au lieu qu'il y en a à présent plus de vingt mille.

71 En 1734 [1735].