<60>qui était en bataille sur une hauteur, la culbuta dans un marais qu'elle avait à dos, et la dissipa entièrement. L'infanterie ennemie, abandonnée de ses gens de cheval, et ayant perdu ses canons dès la veille, sans attendre les Suédois et les Brandebourgeois, s'enfuit dans une confusion totale; elle passa en hâte la Vistule, dans un si grand désordre, que beaucoup de monde se noya; et ne se croyant pas même en sûreté derrière cette rivière, elle abandonna Varsovie, qui se rendit dès le lendemain aux vainqueurs.

L'armée polonaise perdit six mille hommes dans ces combats différents; et les alliés, fatigués de tant de travaux, et exténués de n'avoir point pris de nourriture depuis trois jours, se trouvèrent hors d'état de poursuivre les vaincus.

Jean-Casimir avait assisté en personne à la défaite de ses troupes; la reine son épouse et quelques-unes des premières sénatrices de ce royaume en avaient été les spectatrices du pont de la Vistule : mais elles ne servirent qu'à multiplier les embarras, la confusion et la honte d'une déroute totale.

Après que l'armée victorieuse eut pris quelque repos, elle fit une marche de six milles d'Allemagne à la poursuite des Polonais; mais l'Électeur laissa quelques troupes aux ordres du roi de Suède, et retourna en Prusse avec le gros de son armée, pour en chasser des Tartares qui y faisaient des incursions. Comme il remarquait le besoin extrême que Charles-Gustave avait de son assistance, il se servit de cette conjoncture avec tant d'habileté, qu'il obtint l'entière souveraineté de la Prusse par le traité de Liebau;a la Suède ne se réserva que la succession éventuelle de ce duché. L'Électeur notifia à l'Empereur le gain de la bataille de Varsovie; mais Ferdinand III, qui appréhendait encore les Suédois, qui voyait à contre-cœur la bonne intelligence qui régnait entre eux et les Brandebourgeois, et qui de plus enviait les succès brillants de ces deux héros, se contenta de lui répondre : « Qu'il plaignait les Polonais d'avoir affaire à deux aussi braves princes. »

L'Empereur, qui était alors en paix avec tous ses voisins, crut qu'il était de sa dignité de se mêler des troubles de la Pologne, soit pour défendre ce royaume, soit pour abaisser le roi de Suède,


a Labiau.