<68>Halberstadt, où Montécuculi le joignit avec dix mille Impériaux. Il continua incontinent sa marche vers la Westphalie; sur le bruit de son approche, Turenne quitta la Hollande, prit quelques villes dans le pays de Clèves, et vint à sa rencontre à la tête de trente mille Français. La ville de Groningue évacuée par l'évêque de Münster, et le siége de Mastricht levé par les Français, furent les seuls fruits de cette diversion. L'Électeur voulait combattre Turenne, et marcher tout droit au secours des Hollandais : mais Montécuculi, qui avait des ordres secrets de ne point agir offensivement, ne voulut point y consentir; il allégua toute sorte de mauvaises raisons pour en dissuader l'Électeur, qui, n'étant pas assez puissant pour agir avec ses propres forces, fut contraint de se conformer aux intentions de l'Empereur. Il marcha donc du côté de Francfort-sur-le-Main, en donnant avis au prince d'Orange des raisons de sa conduite; cette marche obligea pourtant Turenne de repasser le Rhin à Andernach, et débarrassa les Hollandais de trente mille ennemis.

Turenne aurait été suivi, si la chose n'avait dépendu que de l'Électeur; il avait fait des préparatifs pour passer le Rhin à Nierstein mais Montécuculi s'y opposa hautement, et lui déclara que les Impériaux ne passeraient pas cette rivière. La campagne s'écoula ainsi infructueusement; et l'Électeur prit ses quartiers d'hiver en Westphalie.

Les Français profitèrent de cette inaction : Turenne passa le Rhin à Wésel, s'empara des duchés de Clèves et de la Mark, et s'avança vers le Wéser; et l'évêque de Münster tenta inutilement de prendre Bielefeld. On conseilla à l'Électeur de remettre ses affaires à la décision d'une bataille; le prince d'Anhalta était de cet avis, et le fortifiait de bonnes raisons : il soutint que si Turenne était battu, il serait obligé de repasser le Rhin; et que, s'il était vainqueur, il ne pouvait pas poursuivre les troupes vaincues, à cause qu'il se serait trop éloigné des frontières de la France. L'Électeur penchait assez pour cet avis. C'était un dimanche; et les ministres, autant timides vis-à-vis des Français qu'envieux de la réputation du prince d'Anhalt, engagèrent le prédicant à


a Jean-George, prince régnant d'Anhalt-Dessau, feld-maréchal de l'Électeur.