<141>A Péra musulman, et païen en Afrique;a
Nourri dès le berceau d'autres opinions,
Il aurait combattu pour ces religions.
De puissants préjugés, sucés dès son enfance,
Offusquant sa raison, font toute sa science;
Par de sombres terreurs ses esprits égarés
Adorent en tremblant des énigmes sacrés.
Ce docteur à son gré gouverne le vulgaire,
Une foule stupide environne sa chaire,
Avec un saint respect l'écoute en sommeillant,
Le croit sans le comprendre, et l'admire en bâillant.
Qu'au sortir du sermon l'auditeur imbécile
Entende un libertin glosant sur l'Évangile,
Il dévore aussitôt ces plaisantes leçons,
Il prend quelques bons mots pour autant de raisons;
Dévot sans examen, libertin sans scrupule,
De chrétien qu'il était, il devient incrédule,
Son esprit inconstant est dépourvu d'appui,
De fragiles roseaux sont plus fermes que lui.
Le peuple veut juger, le docte croit connaître,
Raisonner sans raison, c'est le fond de notre être.
Ne m'allez point citer le sublime Newton,
Qui, s'élevant plus haut qu'Archimède et Platon,
Dit qu'autour du soleil nous faisons une ellipse :
Newton, le grand Newton fit son Apocalypse;
Quoique par son algèbre il calculât les cieux,
Sur saint Jean, comme nous, cet Anglais rêva creux.
Peu m'importe après tout que des savants célèbres
Égarent leur raison au sein de ces ténèbres;
Mais ce qui doit toucher tout homme de bon sens,
C'est la funeste ivresse et les écarts fréquents
D'un peuple mesuré, timide, flegmatique,


a Voltaire, Zaïre, acte I, sc. I, dit :
     

Je le vois trop : les soins qu'on prend de notre enfance
Forment nos sentiments, nos mœurs, notre croyance.
J'eusse été près du Gange esclave des faux dieux,
Chrétienne dans Paris, musulmane en ces lieux.