<15>Ainsi, dans ces jours pleins d'alarmes,
La constance et la fermeté
Sont les boucliersa et les armes
Que j'oppose à l'adversité.
Que le destin me persécute,
Qu'il prépare ou hâte ma chute,
Le danger ne peut m'ébranler.
Quand le vulgaire est plein de crainte,
Que l'espérance semble éteinte,
L'homme fort doit se signaler.
Le dieu du temps, d'une aile prompte,
S'envole et ne revient jamais;
Cet être, en s'échappant, nous compte
Sa fuite au rang de ses bienfaits;
Des maux qu'il fait et qu'il efface
Il emporte jusqu'à la trace,
Il ne peut changer le destin :
Pourquoi, dans un si court espace,
Du malheur d'un moment qui passe
Gémir et se plaindre sans fin?
Je ne reconnais plus Ovide
Triste et rampant dans son exil;
De son tyran flatteur timide,
Son cœur n'a plus rien de viril;
A l'entendre, on dirait que l'homme,
Hors des murs superbes de Rome,
Ne trouve plus d'espoir pour soi :
Heureux, si pendant sa disgrâce
Il eût pu dire, comme Horace :
Je porte mon bonheur en moi!
a Le bouclier. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 20.)