ÉPITRE XV. A ALGAROTTI.a
Aimable rejeton de l'antique Ausonie,
En qui l'on reconnaît tout le brillant génie,
L'urbanité, le goût de ces esprits ornés
Que Rome produisit en ses temps fortunés,
D'où vient, Algarotti, que l'homme né caustique
Jusque sur ses amis se permet la critique?
Qu'à trouver des défauts occupant sa raison,
Au nectar de l'éloge il mêle du poison?
N'est-ce point l'amour-propre, ingénieux protée,
Qui, prenant de l'esprit la figure empruntée,
Des mœurs, du ridicule et des défauts d'autrui
Élève un monument qu'il érige pour lui?
Ou serait-ce qu'un dieu dont nous sommes l'ouvrage
Eût empreint dans nos cœurs une secrète image
Qui, retraçant les traits de la perfection,
Nous fait juger d'autrui par la comparaison?
Cherchons moins d'arguments pour pallier un vice
Que forma l'amour-propre au sein de la malice;
Un courtisan adroit condamne ses rivaux,
D'une main complaisante il flatte ses défauts;
a Le comte François Algarotti, né à Venise le 11 décembre 1712. mourut à Pise le 3 mai 1764. Voyez t. VI, p. 250, et ci-dessus, p. 75.