<191>Pluton, dans les enfers, tenant l'urne en ses mains,
Avait jugé longtemps tous les pâles humains,
Avant que de Cérès il enlevât la fille.
A Virgile ou Voltaire on passe une cheville;
Aux petits rimailleurs dépourvus de beautés,
Dont les défauts nombreux ne sont point rachetés,
On marque des mépris, le sifflet les assomme :
Je ne vous passe rien, si vous n'êtes grand homme.
Tout fait illusion à vos jeunes désirs,
L'Amour, les Jeux, les Ris, la troupe des Plaisirs;
De ce perfide enfant la cour voluptueuse,
Tranquille en apparence, est toujours orageuse.
Arrachez tout à fait le bandeau de vos yeux,
Apercevez enfin ces piéges dangereux.
A Cythère, un beau jour, Vénus, par fantaisie,
Des habits de Minerve embellit la Folie,
Et voulut quelle ouvrît son école aux amants;
La Folie affecta le ton des sentiments,
Et leur fit des sermons sur l'amour platonique.
Les sages, dédaignant sa parure héroïque,
Découvrirent d'abord sa marotte à grelots,
Mais elle demeura la maîtresse des sots;
Son université, qui s'accroît et prospère,
A banni le bon sens, en prêchant l'art de plaire;
De là nous sont venus tant de fades galants,
Romanesques esprits, amants extravagants.
Le début de l'amour est doux et plein de charmes;
A ses premiers assauts a-t-on rendu les armes,
Son rapide succès le rend maître de tout;
Sa fin, c'est le regret, le dépit, le dégoût.
C'est un cheval fougueux qui s'emporte et vous guide;
Il est trop dangereux en lui lâchant la bride,
La sagesse est le mors qui le peut arrêter.
Voyez donc si j'ai tort de ne vous point flatter;
Examinez ici que de maux dans ce monde
A causés cet amour que dans mes vers je fronde.
Léandre pour Héro périt dans l'Hellespont;