<196>La vérité paraît, mes vers sont ses organes;
Mensonges consacrés, mais en effet profanes,
Ne vous montrez ici que pour être vaincus.
Dépouillons le trépas de tous les attributs
Dont la secrète horreur révolte la nature.
Qu'importe que des vers le corps soit la pâture?
Ne voyons dans la mort qu'un tranquille sommeil
A l'abri des malheurs, sans songe, sans réveil;
Et quand même après nous une faible étincelle,
Un atome inconnu, qu'on nomme âme immortelle,
Ranimant du trépas la froide inaction,
Pourrait braver les lois de la destruction,
Hélas! tout est égal, pour notre cendre éteinte
Il n'est aucun objet ni d'espoir ni de crainte.
Qu'aurais-je à redouter au séjour éternel?
Quoi! le Dieu que j'adore, est-ce un tyran cruel?
Serai-je après ma mort l'innocente victime
De l'auteur dont je tiens ce souffle qui m'anime
Et ces tendres désirs des sens voluptueux?
Si l'esprit des mortels sortit des mains des dieux,
Se peut-il que ces dieux punissent leur ouvrage
Des imperfections qui furent son partage?
Non, ma raison répugne à de tels sentiments.
Un père dont le cœur est tendre à ses enfants
Serait-il parmi nous assez dur et bizarre
Pour accabler son fils d'un châtiment barbare,
Si ce malheureux fruit de sa fécondité
Le choquait, en naissant, par sa difformité?
Un fils dénaturé peut irriter son père
Et se voir écrasé du poids de sa colère;
Mais nous, contre les dieux que peut notre fureur?
Rien ne peut altérer leur éternel bonheur.
Écarts audacieux de notre extravagance,
Pourriez-vous offenser l'auguste Providence?
Signalez, fiers géants, votre rébellion,
Entassez, s'il se peut, Ossa sur Pélion,
Armez contre le ciel votre bras redoutable :