<208>Mais voici d'autres soins : il faut qu'un bras sévère
Retienne en son devoir le fougueux militaire :
Dans son libertinage un farouche soldat,
Parjure à ses serments, renverserait l'État;
En ses prétoriens Rome eut autant de traîtres,
Ils marchandaient l'empire et lui donnaient des maîtres.
Il faut que ces lions, pour les combats nourris,
Par Bellone lâchés, soient domptés par Thémis;
Mais pour assujettir leur fière indépendance,
Mais pour donner un frein à leur folle licence,
Il nous faut tour à tour employer la rigueur,
L'espérance, la crainte et même la douceur;
Il faut, pour que l'État ne perde point sa gloire,
Au milieu de la paix préparer la victoire,
Afin que tant d'esprits, unis par le devoir,
Ne forment qu'un seul corps qu'un seul chef fait mouvoir;
C'est lui dont la raison, pour servir la patrie,
Guide, excite, modère ou retient leur furie.
« Ah! grâce au ciel, dis-tu, prenant un air aisé,
Mon maître en ce discours enfin s'est épuisé. »
Epuisé? moi! « Mais oui » ... Darget, cette matière
Pour un homme d'État est une ample carrière;
Je ne t'ai présenté que trois points différents,
Il en est plus de mille, et tous sont importants.
Dans le gouvernement, la sûreté publique
Ne peut se soutenir que par la politique :
En unissant des rois elle oppose à propos
Le pouvoir des amis au pouvoir des rivaux,
Et par les poids égaux d'un prudent équilibre
Elle maintient l'Europe indépendante et libre.
Tant que la bonne foi parla dans les traités,
Ces utiles liens ont été respectés;
Mais bientôt l'intérêt, corrompant la droiture,
Amena l'artifice et même l'imposture.
La politique alors adopta le soupçon;
L'envie aux noirs serpents, l'affreuse trahison,
Préparèrent de loin les jours de la vengeance,