<34>Je les vois accourir à leur propre ruine,
Ces Hyperboréens, ces voisins de la Chine,
Ces peuples rassemblés des bords du Tanaïs,
Surpris qu'à la Baltique
Un tyran politique
Les ait tous réunis.

Vois de tous tes forfaits quel est le fruit sinistre,
Fléau de la Russie, exécrable ministre,a
Monstre que la Discorde a vomi des enfers :
C'est ton âme infidèle,
C'est ta fureur cruelle
Qui trouble l'univers.

Mais de l'illusion le brouillard se dissipe,
Dans cet énigme obscur je lis, nouvel Œdipe,
Que l'aigle des Césars, par un dernier effort,
Tremblant, mais plein de rage,
Enhardit au carnage
Tous ces monstresb du Nord.

Déplorables sujets, qu'on méprise et qu'on brave,
Nés libres, mais au fond esclaves d'un esclave,
Contre des inconnus, quand il veut se venger.
Gladiateurs sans haine,
Vous courez dans l'arène
Pour vous entr'égorger.

Mais le péril s'accroît, les nuages grossissent.
Les vents sont déchaînés et les cieux s'obscurcissent.
Le tonnerre, en grondant, va tomber en éclats,
Menaçant de sa chute
Les provinces en butte
De deux puissants États.

De notre illusion le brouillard se dissipe, etc.

Secouant ses flambeaux, la Discorde infernale,
Répandant les venins de sa bouche fatale,
D'une nouvelle Amate empoisonna le cœur;
Elle trouble la terre,
Elle appelle la guerre,
Pour servir sa fureur.


a Voyez t. III, p. 33.

b Guerriers. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 48.)