<78>Rappelle son amant d'une voix oppressée;
Ses larmes et ses cris ne peuvent l'attendrir,
L'inconstant, de sang-froid, part sans la secourir;
L'Intérêt l'endurcit, et la Gloire hautaine,
En méprisant Damon, avec elle l'entraîne.
Que d'attraits séduisants n'a pas la nouveauté
Pour un jeune pasteur dont la simplicité
Sort novice et sans fard des mains de la nature!
Incertain sur le choix, il erre à l'aventure,
Le désir de briller et d'acquérir un nom
Des neuf savantes Sœurs le rend le nourrisson;
Sans cesse il se dépeint ses hautes destinées,
Il en veut, par ses soins, rapprocher les années,
Ses rapides travaux abrégent son chemin,
Il passe promptement par le pays latin,
Sans prendre ses degrés sur les bancs d'Uranie;
Secondé dans son vol des ailes du génie,
On le voit au grand jour, publiant ses écrits,
Se placer parmi vous, messieurs les beaux esprits.
Mais la fureur des vers et la rage d'écrire
Font hurler contre lui la mordante satire;
Il voit dans ses censeurs un peuple de jaloux,
De ce genre de gloire il ressent les dégoûts,
Et blâmant hautement son ardeur téméraire,
Fatigué de leurs cris, il apprend à se taire.
Damon quitte le Pinde, et des desseins plus hauts
L'élèvent au théâtre où brillent les héros;
Il vole sur les pas de Mars et de Bellone,
Il venge sa patrie, il raffermit le trône,
Il brave les périls, il cherche les hasards,
Il conduit les assauts, il force les remparts.
Il reçoit ce bâton qui tourne tant de têtes,
Et ses combats nombreux sont suivis de conquêtes;
Quelques membres de moins, quelques succès de plus,
Damon serait l'égal du vainqueur de Brutus.
Mais on brigue, on conspire, et l'implacable envie
Répand avec fureur ses poisons sur sa vie;