<83>Remarquez, Rottembourg, que de pères chez nous,
Malgré leurs cheveux gris n'en étant que plus fous,
Prévenus pour un fils que leur amour protége,
Lui font courir l'Europe au sortir du collége.
Lors même que ce fils est dépourvu de sens,
Pleins de leurs préjugés, ces obstinés parents
Osent nous soutenir qu'ainsi le veut l'usage,
Et qu'ils ont décidé que leur cher fils voyage;
C'est un remède sûr et dès longtemps prescrit,
Qui guérit la cervelle et donne de l'esprit.
Qu'un dieu, fléau des sots, puisse un jour les confondre!
L'air qu'on prend à Paris ou qu'on respire à Londre
Raffinerait-il plus que celui de Berlin
Les fibres engourdis d'un cerveau né malsain?
L'esprit est inhérent et propre à la personne,
Le climat n'y fait rien, la nature le donne;
Un organe bouché ne se formerait pas
Dans les serres où l'art mûrit les ananas.
Ah! verrai-je toujours l'Allemand imbécile,
De ses opinions esclave trop docile,
Penser et raisonner si ridiculement?
Un jour je m'emportais, et leur dis brusquement :
« Avez-vous résolu dans votre frénésie
De vous déshonorer avec votre patrie
En promenant partout sans valable raison
L'opprobre de la Prusse et de votre maison?
Et que diront de nous les nations polies?
Certes leur vanité rira de nos folies;
En voyant arriver ce vol de nos badauds,
Ils nous traiteront tous de Huns, de Visigoths.
Je crois voir des Français qui, secouant la tête,
Diront avec dédain : Ah! que ce peuple est bête!
L'esprit est concentré chez les Parisiens;
Protégeons par pitié ces pauvres Prussiens. »
Ainsi je leur parlai, les raillant sans scrupule,
Des plus fortes couleurs peignant leur ridicule.
De leur opinion rien ne les fit changer;