LETTRE II. A VOLTAIRE.
Du 22 de février 1747.
Vous n'avez donc point fait votre Sémiramis pour Paris? On ne se donne pas non plus la peine de travailler avec soin une tragédie pour la laisser vieillir dans un portefeuille. Je vous devine : avouez donc que cette pièce a été composée pour notre théâtre de Berlin. A coup sûr, c'est une galanterie que vous me faites, et que votre discrétion ou votre modestie vous empêche d'avouer. Je vous en fais mes remercîments à la lettre, et j'attends la pièce pour l'applaudir, car on peut se récrier d'avance quand il s'agit de vos ouvrages. Il n'y a qu'une injustice extrême de la part du public, ou plutôt les intrigues et les cabales, qui peuvent vous enlever les louanges que vous méritez. Voilà donc votre goût décidé pour l'histoire : suivez, puisqu'il le faut, cette impulsion étrangère; je ne m'y oppose pas. L'ouvragea qui m'occupe n'est point dans le genre de mémoires, ni de commentaires; mon personnel n'y entre pour rien. C'est une fatuité en tout homme de se croire un être assez remarquable pour que tout l'univers soit informé du détail de ce qui concerne son individu. Je peins en grand le bouleversement de l'Europe; je me suis appliqué à crayonner les ridicules et les contradictions que l'on peut remarquer dans la conduite de ceux qui la gouvernent. J'ai rendu le précis des négociations les plus impor-
a L'Histoire de mon temps. Voyez t. II, p. I.