<124>Vient pour me ranger sous ses lois.
Adieu, beaux jours, plaisirs, folie,
Brillante imagination;
Enfant de mon naissant génie,
Adieu, pétillante saillie;
Vos charmes sont hors de saison,
Et la sagesse, me dit-on,
Doit sur la physionomie
D'un républicain de Platon
Imprimer l'air froid de Caton.
Adieu, beaux vers, douce harmonie,
Frénétique métromanie,
Immortelle cour d'Apollon,
Qui jurez dans la compagnie
De la pourpre et de la raison :
Ma muse, du Pinde proscrite,
M'avertit que son dieu la quitte.
Ainsi donc j'abandonnerai
Cette brillante carrière;
Mais tant que vous la remplirez,
Appuyé sur la barrière,
Battant des mains, j'applaudirai.
Je vous rends un peu de laiton pour de l'or tout pur que vous m'envoyez. Il n'est en vérité rien au-dessus de vos vers. J'en ai vu que vous adressez à Algarotti,a qui sont charmants; ceux qui sont pour moib sont encore au-dessus des autres. La Sémiramis m'est parvenue en même temps, remplie de grandes beautés de détail et de ces superbes tirades de vers qui confirment le goût décidé que j'ai pour vos ouvrages. Je ne sais pas cependant si les spectres et les ombres mettront dans cette pièce le pathétique que vous vous en promettez. L'esprit du dix-huitième siècle se prête à ce merveilleux lorsqu'il est mis en récit; c'est un peu hasarder que de le mettre en action, et je doute que l'ombre du grand Ninus fasse des prosélytes. Un public qui croit à peine en Dieu doit rire des démons lorsqu'il leur voit jouer un rôle sur le
a Voyez t. X, p. 75, 202 et 255.
b Voyez le commencement de la lettre de Voltaire au Roi, du 9 mars 1747.