<13>Et ce bouquet, venant d'une main chère,
S'estimait plus que tout l'or de la terre;
Baisers légers étaient grandes faveurs.
Mais à présent tout se vend, tout s'achète,
Et la dévote, ainsi que la coquette,
A son mari sait trouver un rival;
Ce marché-là se fait à la toilette,
Au plus offrant, à l'amant libéral;
Du doux soupir à la faveur parfaite,
Tout a son prix, et l'amour est vénal.
On apprend tout : cette ville causeuse
Sur le caquet n'a rime ni raison;
On sait le prix d'une beauté fameuse,
Tout comme on sait le prix d'une maison.
On dit tout haut : « Que telle aimable femme
Pour cent louis sent allumer sa flamme;
Ajoute-t-on encor deux fois autant,
La passion s'empare de son âme;
Ce vil métal est maître de ses sens,
Et la rend tendre envers tous ses amants. »
Cette Corinne, autrefois tant courue,
Depuis six mois de prix a fort baissé;
La jeune Églé, nouvellement venue,
A tout d'un coup doublement rehaussé.
Vous savez bien que cette vieille amante,
Cette Laïs à la tête tremblante,
Aux longs tetons, si flasques et pendants,
Dont le pinceau grossièrement abuse
Du vermillon brossé sur la céruse,
Rend à présent à ses jeunes amants
Ce qu'elle avait, dans la fleur de ses ans,
Eu de profit en marchandant ses charmes;
A ses attraits l'or seul fournit des armes.
Le bon pays, où tout peut s'acheter!
O siècle heureux qu'on ne peut trop vanter!
Ayez du bien, c'est la grande maxime :
Vous payerez des femmes, de l'estime,