<153>Sentaient encor la jalousie,
Qui lutine les beaux esprits.
Ils avisèrent par folie
De venger leur gloire avilie;
Ils appelèrent à grands cris
Un monstre qu'on nomme l'Envie,
Sèche et décrépite harpie,
Qui hait la gloire et les écrits
De tous les nourrissons chéris
De Mars, d'Apollon, de Minerve.
« Allez, dirent-ils, à Paris,
Sur ce Voltaire et sur sa verve
Exercez toutes vos noirceurs;
Complotez, tramez des horreurs,
Allez soulever le Parnasse,
Que le moindre scribe croasse,
Envenimez les rimailleurs.
Il est coupable, il nous surpasse,
Punissez-le de son audace;
Que sans cesse en butte à vos traits,
Il déteste tous ses succès;
Embouchez le sifflet funeste,
Et, soutenant nos intérêts,
Faites surtout tomber Oreste. »
Le monstre partit à l'instant;
Et moi, soudain tressaillissant,
D'abord je m'éveille, et mon songe
Dans l'obscurité se replonge.
Voilà ce que je songeais dernièrement, et je pensais me ranger du parti de ces bons poëtes trépassés. Ils n'ont pas tort d'être de mauvaise humeur : vous abusez trop étrangement du privilége de grand génie. Vous allez à la gloire par autant de chemins qui y mènent; vous me revenez comme ce conquérant qui croyait n'avoir rien fait tant qu'il restait encore une partie du monde à conquérir. Vous venez d'entamer les États de Molière; si vous le voulez fort, sa petite province sera dans peu conquise. Je vous