<160>Échappez-vous de ses sombres cachots;
Inspirez-moi des chants toujours nouveaux,
Qu'à l'Hélicon votre flambeau m'éclaire.
Par vous d'Achille on connaît la colère;
Mais cet Achille, encor qu'un grand héros,
Qui pourfendit et tua ses rivaux,
Ensanglantant du Xanthe l'onde claire,
N'est dans le fond qu'un héros en chimère.
Bien autre était le vaillant Valori,
Dans les combats par son père aguerri,
Dont je vous fais l'histoire véritable;
C'est un héros au-dessus de la Fable.
O protectrice aimable de Berlin!
Je vous implore, immortelle Hédewige,
Pour un rebelle élève de Calvin.
Que vos attraits, par un nouveau prodige,
En inspirant votre dévot cousin,
Jettent sur lui rien qu'un regard bénin.
Au paradis dites un patenôtre,
Favorisez ce poëme badin;
L'ouvrage alors sera censé le vôtre,
Si l'assistez de votre appui divin.
Le bon Charlot,a chassé de Silésie,
Avait mené ses fiers Autrichiens
Dans un bon camp où, regorgeant de biens,
Ils menaient tous une joyeuse vie,
Comme prélats dans leur grasse abbaye.
Au bord de l'Elbe ils faisaient leur séjour;
Le mal était que l'armée ennemie
Avait sitôt l'autrichienne suivie,
Qu'on entendait, si l'on n'était bien sourd,
Du camp lorrain le prussien tambour.
Dans ce camp fort, le valeureux Lorraine
Sur l'ennemi vainement se déchaîne;
a Voyez l'Art de la guerre, t. X, p. 316, où Frédéric donne les éloges les plus flatteurs au prince Charles de Lorraine pour son passage du Rhin. Voyez aussi t. III, p. 50-54.