<180>Resplendissants comme on voit les planètes.
Ah! vous voilà, cher Luther, et Calvin,
Au paradis, en chausses et pourpoint!
Tant mieux pour nous que là sont hérétiques :
Y sont encor bien d'autres schismatiques,
Qu'y place au moins la superstition.
Là j'aperçois le grand saint de la Mecque;
On va donc là sur son opinion?
Tandis que vous, Horace et Cicéron,
Virgile, Homère, et Socrate, et Sénèque,
Vous grillez tous à l'éternel charbon.
Mais c'est l'enfer, c'est l'empire du diable
Qu'on nous assure être le mieux peuplé;
Ce que la terre a vu de plus aimable
Doit pour jamais être là-bas brûlé.
Là s'engloutit le monde et la nature,
La respectable et sage antiquité,
Et notre race, et la race future;
Car les dévots, par imbécillité,
A l'infernale et sombre majesté
Ont assigné la pauvre humanité.
Par cette loi tant injuste et tant dure,
Rien ne resta pour la Divinité;
Si bien on fit, que Dieu créa le monde,
Non pas pour lui, mais pour l'esprit immonde.
Mais laissons là ces stériles docteurs,
Et leur système, et leur fou de partage;
Et revenons, après ce verbiage,
A notre objet. Oui, mes chers auditeurs.
Dans cette cour que je viens de dépeindre,
Cour où les saints excitaient des rumeurs,
Le roi des cieux, rêvant, se mit à craindre
Quelques complots, quelques traits de noirceur.
Ce n'aurait point été chose nouvelle :
Un jour, un ange, appelé Lucifer,
Qui dans les cieux avait fait le rebelle,
Fut relégué dans le fond de l'enfer.