<200>Lorsque la mort de tous les côtés fauche,
L'honnête saint lui tint lieu de plastron,
Et détourna les coups à droite, à gauche.
Le dur Franquin, ignorant son erreur,
Fuyait toujours, le cœur rempli de joie;
Il s'applaudit déjà du vain honneur
Qu'on lui fera lorsqu'on verra sa proie.
Ni plus ni moins, Darget nu-pieds trottait,
Jusqu'aux genoux s'enfonçait dans la boue,
Gelait de froid, faisait étrange moue;
L'épine aussi le pied lui déchirait,
Et le badaud de tout son cœur jurait
Contre le sort, qui des hommes se joue.
Toujours pestant et toujours avançant,
Il a déjà couru plus d'un grand mille,
Lorsque le jour, tout doucement venant,
Surprit la troupe auprès du camp volant
Où le Franquin avait son domicile.
Ce scélérat, feignant l'âme civile,
Dit à Darget : « Monsieur l'ambassadeur,
Je suis fâché de la triste aventure
Dont, il est vrai, je suis l'heureux auteur;
Et si, nu-pieds, sans habit, sans voiture,
Venez ici, c'est un petit malheur.
Pour consoler votre douleur cruelle
Et tempérer votre premier effroi,
Vous mangerez dessus cette vaisselle,
Qui, hier à vous, aujourd'hui n'est qu'à moi. »
Sur ce sujet tous les deux s'éclaircirent,
Comme croirez, très-mal se satisfirent,
Car sans détour le généreux Darget
Lui déclara d'abord ce qu'il était;
Et dans le temps que Darget développe
De son malheur le plaisant quiproquo,
L'Autrichien croit tomber en syncope.
« Serai-je donc compté pour un zéro?
Vengeons l'honneur que le destin maîtrise!