<216>Quittes des rois et de la monarchie,
Changeant un nom parmi nous redouté,
Trente tyrans ont occupé leur place.
Ainsi voyez, quoi que le Belge fasse,
Qu'il ne saurait jamais rompre ses fers;
Républicains, nous rampons sous des traîtres,
Au lieu d'un roi nous avons mille maîtres,
Quand on nous croit libres dans l'univers. »
« De ces bourgeois le plus cossu m'invite
Dans sa maison à lui rendre visite;
Moi, je l'accepte aussitôt poliment.
Une servante, en me voyant, me prend
Dessus son dos, me charge lourdement,
Et, se traînant, en faisant la tortue,
Me fait passer au travers de la rue;
Puis, sur le seuil de la porte venue,
Me décrottant impitoyablement,
D'un grand seau d'eau me lava brusquement.
Je leur demande : Eh! que prétend-on faire?
- C'est, me dit-on, grande civilité,
Aux étrangers toujours très-nécessaire,
Pour conserver chez nous la propreté.
Puis on me fait entrer dans la cuisine;
Depuis trente ans onc on n'y fit du feu.
Est-ce en ce lieu, leur dis-je, que l'on dîne? »
- « Que dites-vous? quel blasphème, grand Dieu!
Ces lieux ne sont point faits pour notre usage.
Nous n'habitons point ces appartements;
Nous nous fourrons, pour un plus grand ménage,
Dans notre cave, et sommes fort contents.
La propreté, déesse de céans,
Occupe seule ici des logements. »
« Lors il me prit tout d'un coup un fou rire
Dont je ne pus empêcher les éclats;
Mon gros bourgeois, qui n'aimait la satire,
Dit sèchement : Les Français sont des fats.
Je lui réponds : Il vous plaît de le dire.