<217>Dans le moment, mon homme, rempli d'ire,
Me fait jeter des escaliers en bas,
M'accompagnant de valets, de servantes
Jetant en l'air mille cris très-aigus,
Me convoyant d'injures élégantes,
Jusqu'au moment qu'ils ne me virent plus.
Abandonnons pour jamais cette terre,
Partons, disais-je, allons en Angleterre.
Mes compagnons, chacun de son côté,
Qui n'avaient pas de sort plus favorable,
Pour ce pays pleins d'animosité,
Me disaient tous : Allons plutôt au diable.
Un grand vaisseau, bâti pour le transport,
Le même jour nous charge sur son bord.
On lève l'ancre, et la mer blanchissante
Nous soulevait sur son onde écumante;
La voile s'enfle et nous fendons les flots,
Et le pilote, et différents signaux,
Font manœuvrer les bras des matelots.
Un vent de sud, d'un souffle favorable,
Nous fait raser la surface des eaux;
Les passagers boivent, rient à table,
Même aucun d'eux ne présageait des maux.
Mais tout à coup le vent tourne à la ronde,
Le temps noircit, l'air siffle, le ciel gronde;
La nuit survient, et dans l'obscurité,
Notre vaisseau, tantôt précipité
Jusques au fond d'ouverture profonde,
Tantôt au ciel est relancé par l'onde.
La foudre tombe, et les brillants éclairs
Tout alentour embrasèrent les airs.
Soudain le mât, brisé par la tempête,
Tombe, en faisant un fracas furieux;
Le gouvernail heurté se fend en deux;
Aux matelots tremblants tourne la tête.
Enfin, voguant au gré des vents fougueux,
Nous entendons un bruit épouvantable;