<223>Et je formai, hélas! le plan funeste
D'y retourner l'admirer, la revoir.
Par le moyen d'un ingénieux prêtre,
Qui (pardonnez) faisait le maquereau,
J'eus le moyen d'approcher, de connaître
Cette nonnain, ce miracle si beau.
Un rendez-vous me donne enfin la belle;
J'entre au couvent à l'aide d'une échelle,
Gardant encore, hélas! pour mon malheur,
Un souvenir de la cruelle Anglaise,
Mais souvenir cuisant et plein d'horreur,
Qui me mettait au plus mal à mon aise.
Jusqu'à quel point, traître et perfide amour,
Tu m'aveuglas dans ce funeste jour!
Raisonne-t-on, pense-t-on, quand on aime?
Les plus prudents en amour sont des fous,
Car la raison cède au pouvoir suprême
De cet instinct qui commande sur nous.
De mon amour la fière tyrannie,
Et de mes sens la flatteuse manie,
Sur la raison mourante, à l'agonie,
L'ont emporté. J'ignore mon état,
Et commettant un affreux attentat,
Je suis aux pieds de ma religieuse :
Rendez enfin ma passion heureuse,
Rare beauté, divine et radieuse,
Osai-je dire, en lui baisant les mains.
Mais sa pudeur alarmait mes desseins,
Quand dans ses yeux je remarquai du trouble;
Son cœur n'était dissimulé ni double;
Je profitai de l'heure du berger.
Plus tendrement de nouveau je la presse :
Il n'est plus temps, belle, de reculer;
Ne fallait pas aussi loin s'engager,
Lui dis-je. Enfin, soit amour, ou faiblesse,
La pudeur passe, et l'aveugle tendresse
Va désormais de l'honneur se venger.