<256>Déracinant le chêne le plus fort,
Et rassemblant sur l'aile des nuages
L'éclair brillant, la foudre, les orages,
Lancent sur nous la terreur et la mort :
Tels, et cent fois encor plus redoutables,
Parurent lors aux chefs autrichiens
La contenance et l'ordre formidables
Où s'avançaient les braves Prussiens.
Ciel! qui pourrait dépeindre les alarmes,
Le trouble affreux, la consternation,
Et le tumulte, et la confusion
Qui règne au camp? Chacun courait aux armes;
Chacun se botte, on selle les chevaux,
On se cuirasse, on se couvre du casque.
L'homme de cœur, le fanfaron, le flasque,
Différemment observaient leurs rivaux,
Et conservaient encor ce faible masque
Qui rend égaux les couards, les héros.
Les ennemis, sentant leur avantage,
Faisaient ronfler deux cents foudres d'airain;
Les gros boulets causent si grand carnage,
Que le plongeon en firent les Lorrains.
Ni plus ni moins, dans ce désordre étrange,
L'Autrichien sous son drapeau se range.
Les premiers sont les pesants cuirassiers,
On assigna leur poste sur la droite;
Tout auprès d'eux sont les fiers grenadiers,
En bonnet d'ours paraît leur troupe adroite;
Viennent après les forts Lycaniens,
Les Gomorois, et puis les Bethlémistes,
Les Insurgents, Croates, Béotiens,
Les Transylvains, les cruels Portalistes,
Ceux du Timoc, les féroces Raziens,
Vaillants soldats et gens de grand mérite.
Tout à la gauche on voyait les dragons,
Plus bas montés, fermes dans les arçons.
De tous côtés faisant des escarmouches,