<31>Mais le printemps répare avec usure
Le temps stérile où dormait l'univers.
Plus d'un plaisir est préparé pour l'homme,
Mais de ses biens négligent économe,
Il n'en sait point tirer tout l'usufruit.
Chasota se plaît dans la chasse et le bruit,
Le bon Jordan dans ses savantes veilles,
Césarionb à vider des bouteilles,
Un courtisan à briller à la cour,
Un amoureux à soupirer d'amour,
L'ambitieux à sentir la fumée
D'un vain encens qu'offre la renommée,
Le gros Auguste9 à payer des desserts,
Et moi peut-être à cheviller des vers.
Nos plus beaux jours se passent comme une ombre.c
Sage Jordan, pourquoi borner nos goûts?
Ah! je voudrais en augmenter le nombre :
L'homme sensé doit les réunir tous.d
Tu pense ainsi, ta sagesse épurée
N'est point austère, insupportable, outrée;
Dans les moments d'une aimable gaîté,
J'ai vu ta tête, au Pinde révérée,
Du tendre myrte et de pampre parée,
Et je crus voir assise à ton côté
Ton Uranie en Vénus décorée,
Et la Raison, des Grâces entourée,
Qui par principe aimait la volupté.
Viens donc jouir sous un autre Empyrée
Du doux plaisir qui fuit avec le temps;
Hâte tes pas, car, dans cette contrée,
Point de salut pour nous sans des Jordans.
Je t'attendrai sous ces hêtres antiques


9 Roi de Pologne.

a Voyez t. X, p. 217, et ci-dessus, p. 27.

b Voyez t. X, p. 24.

c Voyez t. X, p. 43.

d Voyez t. X, p. 195.