<32>Qui, relevant leurs fronts audacieux,
Entrelaçant leurs branchages rustiques,
Et nous donnant leurs ombres pacifiques,
Semblent toucher à la voûte des cieux.
Au lieu, Jordan, de nos riches portiques,
Sous leurs abris simples, non magnifiques,
La volupté régnait chez nos aïeux.
C'est là qu'en paix je vois couler ma vie
Sans préjugés et sans ambition,
Cherchant le vrai dans la philosophie,
Et me bornant à ma condition.
Là, plein du dieu de qui le feu m'inspire,
Je peins en vers quelques légers tableaux,
Et de ma voix accompagnant ma lyre,
Je fais souvent répéter aux échos
Les noms chéris d'amis que je révère;
Et méprisant ennemis et rivaux,
Compatissant, ami tendre et sincère,
Toujours enclin à servir les humains,
J'attends sans peur l'arrêt de mes destins.
Faite 1737; corrigée à Potsdam 1750. (Envoyée à Voltaire au mois de juin 1738, et le 18 mars 1740.)