<4>Tous sont rêveurs, attentifs à leur rôle :
L'un, en suant, attend un as de cœur,
Et celui-là, qui méditait la vole,
Sur ses écarts écume de fureur.
Pourquoi ce bruit? et qu'est-ce qu'on regarde?
A ce seigneur prend-il un vertigo?
« Pis que cela : certain roi de carreau
Entre ses mains est arrivé sans garde. »
On voit plus loin, dans un coin isolé,
Force joueurs; le hasard tient la table.
L'or en monceaux s'y présente étalé;
Son grand pontife à face vénérable
Mêle en ses mains un jeu bariolé.
Tout à l'entour, une immense cohue
Sur ce grand prêtre a dirigé la vue :
Le bon public a quelquefois raison.
Quant au prélat, ce respect l'importune :
Il est adroit; le bon seigneur, dit-on,
De ses dix doigts gouverne la fortune.
Un feu soudain s'empare de ses sens;
Le front ridé, le regard plus farouche,
Des mots coupés s'échappent par élans,
Comme en grondant, rudement, de sa bouche.
Très-attentifs y sont ses courtisans :
Ce peu de mots, ce sont autant d'oracles
Qui, sur le sort opérant des miracles,
Ont l'art de rendre, en très-peu de moments.
Humbles ou fiers les petits et les grands :
Tel pâme d'aise, et tel autre blasphème,
L'un vend, hélas! son bien qu'il a perdu,
L'autre, enivré de son bonheur extrême,
Court acheter ce que l'autre a vendu.
Neuf heures sonne, il faut aller à table,
Et regagner dans un ample soupé,
Enjoué, vif, brillant et délectable,
Le temps perdu, dans l'ennui dissipé,
Et qu'emporta ce jeu si détestable.