<83>Ce n'est que pour un temps que prospère le fourbe :
Son esprit tortueux, fallacieux et courbe,
Toujours obscurément le conduit à son but;
Le prestige finit dès son premier début,
De sa duplicité les ressorts se découvrent,
Le charme disparaît, tous les yeux enfin s'ouvrent.
Qu'il rampe obscurément, en horreur chez les siens,
Parmi le dernier rang des derniers citoyens;
Que ce serpent, couvert d'ordure et de poussière,
Croupisse dans la fange et craigne la lumière.
Maîtres de l'univers, simulacres des dieux,
Vous, qu'un pouvoir suprême éleva jusqu'aux cieux,
Comment tolérez-vous l'infâme politique
Que dans vos cabinets la trahison pratique?
O temps! ô mœurs! ô honte! illustres scélérats!
Le ciel n'a couronné que des princes ingrats.
Ah! si l'honneur était errant, sans domicile,
Il faudrait qu'en vos cœurs il trouvât un asile,
Il faudrait retrouver chez vous la véritéa
Et toutes les vertus de la Divinité.
Les princes bienfaisants en sont la vive image;
Mais la duplicité, mutilant leur visage,
De leur couronne arrache un des plus beaux fleurons.
La bonté fait les dieux, le crime les démons :
Choisissez de ces deux, des vertus ou des vices;
Ou soyez nos tyrans, ou soyez nos délices.
Il n'est aucun milieu qui vous semble permis,
Un prince vertueux ne peut l'être à demi;
Un peuple à l'œil de lynx sans cesse vous contemple,
Vos mœurs à l'univers doivent un grand exemple;
Le public trop facile et trop tôt corrompu,
Par la contagion de vos vices imbu,
Sur vos traces .... Mais quoi! j'en dis trop, je m'égare :
Respectons dans nos vers la pourpre et la tiare.
L'honnêteté se peint de différents crayons;
Ce sont des traits de flamme et d'éclatants rayons.
a Voyez t. IV, p. 124, et t. VIII, p. 135.