<91>De Cypris et du tendre Amour.
Les cœurs seront notre conquête,
Le cul d'Églé, notre tambour,
Et les Grâces seront de jour;
Les bouteilles seront nos armes,
Les myrtes seront nos lauriers,
Et les bacchantes nos gendarmes.
Les lits seront témoins de nos exploits guerriers;
De plus, la bahoutea et le masque
Pourront nous tenir lieu du casque;
De légers escarpins serviront de coursiers.
Dans ce nouveau palais17 de noble architecture,
Nous jouirons tous deux de la liberté pure,
Dans l'ivresse de l'amitié;
L'ambition, l'inimitié,
Seront les seuls péchés taxés contre nature;
Le culte ne s'adressera
Et notre encens ne fumera
Que sur les autels d'Épicure.
Tandis que je vous fais cette aimable peinture
Des plaisirs dont nous jouirons,
Vous languissez dans les prisons
Du terrible dieu d'Épidaure.
A ses prêtres, vos assassins,
Par erreur nommés médecins,
Si vous voulez guérir encore,
Faites prendre tous les matins
Double portion d'ellébore;
Alors, quand le triste Orion
Sur nos champs dépouillés de la moisson nouvelle
Enverra par les vents et la neige et la grêle,
Vous verrez, cher Césarion,
Dans les murs de notre Ilion
De retour votre ami fidèle.
17 Charlottenbourg. [Voyez t. VII, p. 40.]
a Voyez t. X, p. 199.