AUX MANES DE CÉSARION.a
Qu'entends-je, juste Dieu! Quelle affreuse nouvelle!
Césarion n'est plus! le livide trépas
Tranche, de sa faux cruelle,
Le fil de ses beaux jours, ses charmes, ses appas!
Quel affreux désespoir! Ami tendre et fidèle,
Je sens mille poignards qui me percent le cœur;
Ah! ce cœur déchiré palpite de fureur.
Tu n'es plus! c'en est fait, ma perte est éternelle.
Mon amour, qui te suit jusqu'aux bords du néant,
Au delà du trépas te respecte et t'honore;
Oui, je t'estimai vivant,
Et je te chéris encore.
Tu vis, sans t'ébranler, la mort qui nous détruit;
Dans ce moment affreux dont frémit la nature,
Ton courage étonnant te soutient, te conduit,
Et ton âme juste et pure
Méprisa des enfers la frivole imposture
Et les sombres terreurs d'un avenir fortuit.
Si, durant tes beaux jours, tu suivis Épicure,
Par un généreux effort
Tu surpasses Zénon au moment de la mort.
Hélas! qu'est devenu ce cœur si magnanime,
a Didier baron de Keyserlingk, surnommé Césarion par Frédéric, mourut à Berlin le 13 août 1745.