« <XIII>l'ouvrage ne mérite pas, mais dont l'auteur sent cependant tout le prix. Cette folie, vous le savez, n'a été que l'emploi de mon loisir, l'amusement d'un carnaval, et une espèce de défi que je me suis fait à moi-même; et ce poëme, si c'en est un, se ressent de ma gaieté et du temps où je l'ai composé; j'ai voulu peindre des grotesques; un peu de complaisance, sans doute, vous fait croire que j'y ai réussi. Mais on juge injustement et malheureusement des auteurs par leurs ouvrages, et je craindrais que celui-là ne donnât trop mauvaise opinion de mon imagination; je craindrais que l'on ne me taxât de peu de raison, dont de tout temps on accusa les poètes, et vous m'avouerez que cette crainte n'est pas indifférente, lorsque, par aventure, le poëte se trouve être un souverain. Je sais bien que la prévention obligeante du Roi votre maître doit me garantir de cette terreur, et la confiance parfaite que j'ai dans son amitié et dans la bonté de son caractère me rassure entièrement vis-à-vis de lui-même; mais plus d'un événement peut dérober ce livre de ses mains, et combien ne crieraient pas alors les théologiens, les politiques, les puristes même! Un roi écrire un poëme de six chants, oser fabriquer un ciel, critiquer librement la terre; un Allemand rimer en français! C'est trop à la fois braver de prétendus ridicules, et je ne me sens point la résolution d'affronter aussi ouvertement l'empire des préjugés. Je ne me pardonne cet ouvrage que par le peu de moments que j'y ai donné, et par la persuasion où je suis de n'avoir cherché qu'à m'amuser sans intéresser personne; mais vous conviendrez que l'on sera fort éloigné d'entrer dans tous les motifs de mon indulgence. » (Mémoires de Valori, t. II, p. 309.)
L'abbé Denina, tout en blâmant M. Darget fils d'avoir contribué à la publication d'un ouvrage plein d'une plaisanterie si vive, dit néanmoins dans La Prusse littéraire sous Frédéric II, t. II, p. 80 : « Si l'on convient que Voltaire est plus poëte dans son poëme burlesque que dans le sérieux, il faut avouer aussi que Frédéric II n'est poëte dans aucune de ses compositions autant que dans le Palladium »
Enfin, le marquis de Valori (Mémoires, t. I, p. 282) s'exprime sur le Palladion en termes non moins flatteurs : « Ce poëme, dit-il, est extrêmement plaisant, rempli de la plus vive imagination, et d'autant plus singulier, qu'il a été fait en fort peu de temps. »