<104>Poussent des cris aigus de joie,
Et la déchirent en volant.
Le sort de notre faible espèce
Est, n'en déplaise à ta sagesse,
Comme celui des animaux;
Chacun reçut dès sa jeunesse
Certains talents, certains défauts.
L'homme, que la raison éclaire
Sait se limiter dans sa sphère,
Ou, s'il en sort mal à propos,
Il devient le jouet des sots.
Hercule, dont la main fatale
Acheva tant de grands travaux,
Lorsqu'il filait aux pieds d'Omphale,
Mettait en pièces ses fuseaux.a
Moi, qu'un aveugle destin guide
Sur les pas du fameux Alcide,
Moi donc, qui m'oppose aujourd'hui
A des brigands aussi perfides,
A des monstres plus homicides
Que ceux qu'il écrasa sous lui,
Prétends-tu que ma main déçue,
Faite à manier sa massue,
Déchire du premier début
Les cordes de l'aimable luth
De Tibulle et de la Chapelle,
Ou la lyre à mes doigts rebelle
Sur laquelle Homère chanta,
Et rendit la fable immortelle,
Que son beau génie inventa?a
Ah! laisse ma muse grossière,
Avec son harnois martial,
Couvert de sang et de poussière,
S'escrimer comme un Annibal,
a Boileau, dit dans le
Lutrin
, chant V, vers 20 :Tel Hercule filant rompait tous les fuseaux.
a Voyez t. XI, p. 65.