<171>Et mon esprit alors, par ce charme emporté,
Connut que, pour atteindre à la gloire mondaine,
Il avait poursuivi sans fruit une ombre vaine,
Qu'il n'est qu'illusions, que tout s'évanouit.
Revenu de l'objet qui longtemps m'éblouit,
Je me disais : Je vois la fin de ma carrière,
Bientôt le froid trépas va clore ma paupière;
Faut-il par tant de soins, de chagrins et d'ennuis,
De jours si douloureux, de plus cruelles nuits,
Arriver à ce gîte où nous devons nous rendre,
Où le temps détruira nos noms et notre cendre?
Ah! s'il faut tout quitter au moment du trépas,
A des soins superflus pourquoi perdre nos pas?
Terminons les travaux d'une vie importune;
Est-ce à nous, vils mortels, à dompter la fortune?
Non, non, il faut choisir, pour aller à sa fin,
Une voie aplanie et le plus doux chemin;
Laissons aux conquérants entourés de ruines
Ces sentiers hérissés de ronces et d'épines.
Vaines illusions! songe vague et flatteur!
Cessons de nous tromper pour vaincre la douleur.
Esclave scrupuleux du devoir qui me lie,
Un joug superbe et dur m'attache à ma patrie;
Je vois en gémissant ses honneurs abolis,
Tant d'États inondés d'avides ennemis,
Du danger renaissant l'intarissable source,
L'ennemi triomphant, le peuple sans ressource,
Et partout le ravage et la destruction.
Patrie! ô nom chéri! dans ton affliction,
Mon cœur, mon triste cœur te voue et sacrifie
Les restes languissants de ma funeste vie.
Loin de me consumer en soins infructueux,
Je m'élance aussitôt dans ces champs périlleux;
La vertu me ranime, un nouveau jour m'éclaire.
Courons venger l'État, soulager sa misère,
Oublions tous nos soins pour ne penser qu'à lui,
Que l'effort de nos bras lui procure un appui;