<176>L'intérêt y domine, et marche le premier;
Ses perfides conseils, son funeste artifice,
Au cœur des souverains altèrent la justice;
Sous le nom de Minerve il fait connaître au Roi
Comment en conscience il peut manquer de foi,
En mettant sa parole, au cas qu'il la révoque,
Sous le frivole abri d'une phrase équivoque.
Dans cette affreuse école instruit à s'avilir,
On apprend à tromper, on finit par trahir;
Les traités chez les grands sont le sceau des parjures.
Voilà d'autres amis, témoins de nos injures,
Indécis, incertains, pleins de crainte et glacés,
Faibles consolateurs de nos malheurs passés.
Ils ont dressé d'avance un pompeux cénotaphe,
Décoré de nos noms, chargé d'une épitaphe,
Satisfaits de laisser au monde consterné
Un léger souvenir d'un peuple exterminé.
En souffrirons-nous moins? Pour guérir nos atteintes
Il faut de vrais secours, non de vaines complaintes,
Une mâle assistance, un vigoureux soutien,
Un ami qui partage et le mal, et le bien.
Quittez le nom d'amis, vous que la crainte arrête,
Qui, tranquilles, du port contemplez la tempête,
Qui, sans tendre la main à ceux qui vont périr,
Par les flots courroucés les laissez engloutir.
Vos cœurs, à la pitié toujours inaccessibles,
Aux malheurs étrangers demeurent insensibles.
Le nom de l'amitié, pour moi saint et sacré,
Ne décorera point qui l'a déshonoré;
Je le refuse à vous, placés au rang suprême,
Dont l'amour concentré n'a d'objet que lui-même;
Je le refuse à toi, barbare souverain
Dont le cœur est de fer, les entrailles d'airain.
Mais qu'on m'apprenne, ou bien qu'un de ces rois m'explique
Sur quel principe absurde agit sa politique,
Et comment de sang-froid il a pu regarder
Ce torrent orageux, courant tout inonder,