<182>Des présents que du ciel a reçus l'homme injuste,
Sans en excepter un, l'âme est le plus auguste,
Elle doit occuper chez vous le premier rang.
Sacrifiez-lui donc cette chair et ce sang;
Cela ne suffit point, tâchez de la connaître,
Voyez à quelle fin le ciel lui donna l'être :
L'homme est-il pour lui seul dans l'univers jeté,
Ou tient-il aux liens de la société?
Nos désastres égaux, nos communes misères,
Hélas! prouvent assez que nous sommes des frères,
Et que, par nos secours adoucissant nos maux,
Il faut nous entr'aider à porter nos fardeaux.
D'un si noble désir entretenez la flamme,
Placez dans la vertu le bonheur de votre âme,
C'est le souverain bien; vous pouvez le trouver,
Mais en le possédant, il le faut conserver.
Lorsqu'un esprit docile aux lois de la nature
A la vertu qu'il aime obéit sans murmure,
Il trouve, chaque fois qu'il rentre dans son cœur,
Au temple des vertus l'asile du bonheur.
L'âme, en faisant le bien, peut donc se rendre heureuse,
La moins intéressée est la plus vertueuse;
Elle immole au public, sans peine et sans regret,
Ses travaux, et sa vie, et son propre intérêt,
Et, sur tous ses défauts rigide et vigilante,
Dompte des passions la révolte naissante.
Le sage est doux, humain, sensible et généreux,
Il connaît des mortels l'égarement affreux;
Pour eux juge indulgent, il est pour lui sévère.
L'absinthe à votre goût est âpre et trop amère?
Vos cris sont vains, son suc n'en est point radouci :
Tolérez les méchants, puisqu'ils sont faits ainsi.
Qu'importe si la main d'un ingrat, d'un perfide,
Ose attenter sur vous; le prendrez-vous pour guide?
Son crime et sa noirceur vous le font détester,
Mais votre emportement est près de l'imiter.
Songez qu'en votre cœur le ciel mit la clémence