<198>Des biens si passagers et des maux si funestes.
Mais d'autres animaux sont aussi malheureux;
Tout être éprouve ici des destins rigoureux.
L'homme ne tient-il pas à la nature entière?
Il est un composé des corps de la matière.
Voyez ces éléments en guerre et divisés,
Par leur choc éternel l'un à l'autre opposés,
La chaleur et le froid, et le sec, et l'humide,
Prêts à briser le frein qui les retient en bride;
Et vous vous étonnez du choc des passions,
Enfants séditieux de nos sensations!
L'homme, étant le jouet de la vicissitude,
Joint à quelques vertus beaucoup de turpitude;
Si dans ce tourbillon il se change en effet,
Il ne pouvait pas être impassible et parfait;
C'est de l'Éternel seul l'attribut légitime.
Mais quel est le principe enfin qui nous anime?
Vous le voyez, tout corps vit par le mouvement,
Rien ne peut se mouvoir que par le changement.
Tandis que notre sort par nécessité change,
Nous ne pouvons jouir d'un bonheur sans mélange,
Nos parents, nos amis doivent naître et mourir,
Nous devons pleurer, rire, espérer et souffrir.
Mais pourquoi, direz-vous, l'homme est-il dans le monde?
Ces êtres qu'enfanta la nature féconde,
La chaîne qui descend de l'homme aux végétaux,
Du sublime Newton aux moindres vermisseaux,
De la profusion accidents nécessaires,
Sont produits pour orner les plaines sublunaires;
Peut-être l'Éternel voulut qu'en ce séjour
Tout atome jouît de la vie à son tour.
Voyez dans vos jardins, sous un tas de poussière,
Les fourmis à l'écart creuser leur fourmilière;
Pourraient-elles penser que la faveur des dieux
Créa pour les fourmis l'eau, la terre et les cieux?
Sans les voir, en passant, le maître du domaine
Écrase sous ses pieds leur engeance hautaine.