<199>L'auteur de la nature est au-dessus des lois,
Il n'est point notre esclave, il est libre en ses choix;
Dans un des moins parfaits des univers possibles,
D'un bonheur passager il nous fit susceptibles.
S'il est des scélérats, opprobres des humains,
Nous avons des Catons et des Marc-Antonins :
Soyons contents, ce monde à nos vœux doit suffire.
A moins que d'être enfer, il ne serait pas pire,
Répond le philosophe avec simplicité.
Pénétrez donc au fond de la difficulté;
Je veux savoir comment un Dieu juste, équitable,
Fait souffrir l'innocent ainsi que le coupable.
J'éprouve un sort affreux; mais l'ai-je mérité?
Et Dieu contre un mortel peut-il être irrité?
S'il est injuste, ô ciel! quelle pensée horrible!
L'ignorance ou l'erreur est mon lot infaillible.
Le mal ne peut venir d'un être tout parfait;
Quelle origine a-t-il? d'où vient-il? qui l'a fait?
Essayons cependant s'il n'est aucune route
Moins fertile en écueils, pour nous tirer de doute.
Supposez avec moi, sans toucher aux autels,
Que l'univers et Dieu sont tous deux éternels.
L'homme, animal pensant, et le reptile insecte
Sont tous deux composés d'une matière abjecte;
Cette imperfection n'a pu se démentir,
Et les êtres divers ont dû s'en ressentir.
Dès qu'on ne fait plus Dieu l'auteur de cet ouvrage,
Le mal est nécessaire et devient mon partage;
On ne m'entend donc point me plaindre ou murmurer
Quand je vois la vertu gémir et soupirer,
Et le crime insolent, dans sa cruelle ivresse,
De son triomphe injuste accabler la faiblesse.
Sans doute un créateur s'y devait opposer,
Mais Dieu jusques à nous ne peut se rabaisser;
Il borne son pouvoir à des lois générales,
A la fécondité dont ses mains libérales
Raniment l'univers dans son épuisement,