<200>Au principe inconnu de ce grand mouvement
Qui pousse et qui retient dans sa course rapide
Ces globes enflammés qui nagent dans le vide.
En scellant ses travaux du sceau de sa grandeur,
Dieu seul de ce grand tout est le conservateur,
Les saisons et les jours, c'est lui qui les dispense;
Mais de lui jusqu'à nous l'intervalle est immense.
Peut-être la matière, indocile à traiter,
Rebelle à ses desseins, a su lui résister.
Deux causes existant, égales en puissance,
L'agent n'a pu sur l'autre emporter la balance;
De deux mauvais partis il lui restait le choix,
Et sur le moins mauvais il a réglé ses lois.
Peut-être, en me voyant étaler ce système,
Votre raison, Mitchell, n'y souscrit pas de même;
Vous cherchez l'évidence en ces sujets obscurs;
Mais l'art conjectural a-t-il des côtés sûrs?
La matière éternelle et pourtant imparfaite,
Loin de vous contenter, vous choque et vous arrête.
A ces objections que répondrai-je, hélas!
Aucun objet parfait ne me frappe ici-bas;
L'homme a contre l'erreur des armes offensives,
Mais ses opinions manquent de défensives.
Le mal est dans le monde, il n'est que trop certain;
On ne peut l'en bannir, on le déguise en vain.
Pour ne point voir en Dieu le promoteur du crime,
J'en charge la matière, elle en est la victime;
Je défends la bonté, l'honneur de l'Éternel,
Je puis mal deviner sans être criminel.
Mais on me presse encore, on s'efforce à me dire
Que nous sommes heureux. Hélas! je le désire;
Mais pour me le prouver, ne pleurez donc jamais,
Que je n'entende plus ni soupirs ni regrets.
Notre sort, me dit-on, ne paraît point étrange;
Dieu plaça les humains entre la brute et l'ange.
Je sais qu'aux animaux l'homme est supérieur,
L'ange est plus inconnu; mais je serais d'humeur