<207>

DISCOURS DE L'EMPEREUR OTHON A SES AMIS, APRÈS LA PERTE DE LA BATAILLE DE BÉDRIAC.a

Approchez, mes amis.b Les destins rigoureux,
Inflexibles et sourds, ont rejeté nos vœux;
C'est à vous, chers amis, que mon cœur se découvre.
Vous voyez sous vos pas l'abîme qui s'entr'ouvre
(Rarement le bonheur est le prix des vertus),
Vitellius triomphe, et nous sommes vaincus.
Le dépit, la fureur, empreints sur vos visages,
M'annoncent le projet de venger mes outrages;
Je sais ce que promet votre insigne valeur,
Vous voyez le trépas sans en frémir d'horreur;
Si, versant votre sang, si, perdant votre vie,
Vous pouviez relever ma puissance avilie,
Vous le feriez, j'en ai des gages trop certains.
Mais Othon pourra-t-il approuver vos desseins?
Je fus ambitieux, je désirais l'empire;


a On voit, par la lettre inédite que le Roi adressa au marquis d'Argens, le 5 janvier 1762, qu'il s'amusait alors à lire dans Plutarque les vies de Caton d'Utique et de l'empereur Othon.

b Ce début rappelle celui du discours de Mithridate à ses fils, dans la tragédie de ce nom par Racine, acte III, scène 1 : « Approchez, mes enfants, etc. »