<209>Sans que Vitellius dans votre sang se baigne,
Je lui cède mes droits; qu'il triomphe et qu'il règne :
L'empire veut un maître, il n'en peut avoir deux;
Qu'il possède un pouvoir souvent si dangereux,
Et, quoique usurpateur, désormais magnanime,
A force de bienfaits qu'il efface son crime,
Et prépare aux Romains des destins fortunés.
Des mains de ces cruels contre vous acharnés
Demain par mon trépas j'arracherai les armes .. .
Mais quels cris, quels sanglots et quel torrent de larmes!
Serai-je, hélas! l'objet de ces vertueux pleurs?
Je suis trop fortuné, j'ai régné sur vos cœurs,
D'un désespoir mortel vos fronts portent le signe;
D'amis si généreux Othon se rendra digne :
Dans un pouvoir sans borne à mes soins confié,
Je conservais un cœur sensible à l'amitié.
Un simple citoyen eut l'âme assez hardie
Pour dévouer ses jours au bien de la patrie;
Si Décius fournit un tel trait de grandeur,
Que n'attends-tu donc pas, Rome, d'un empereur?
C'est lui qui pour l'État doit présenter sa tête,
Pour conjurer l'orage et calmer la tempête;
Othon, né citoyen, doit ses jours à l'État,
Il vous les doit à vous, s'il n'a le cœur ingrat.
Le danger est l'épreuve où brille une âme ferme,
Au sort inexorable elle prescrit un terme.
On ne mesure point le règne des héros
Par d'inutiles jours coulés dans le repos;
Je n'ai que trop vécu, si l'univers publie
Le vertueux motif qui termine ma vie,
Si l'on dit que, voyant l'État près de périr,
Othon pour le sauver consentit à mourir.
Amis, sans balancer en ce péril extrême,
Courez chez le vainqueur, c'est mon ordre suprême.
Je vous rends votre foi, je vous rends vos serments,
Le temps presse, fuyez, profitez des moments;
Pour la dernière fois que je vous vois paraître,