<27>Mais quand les nations du même ton s'expriment,
Lorsque nos ennemis à regret vous estiment,
Et chantent vos exploits,
Dans ce concert charmant que l'univers répète,
Par quel droit faudra-t-il que ma bouche muette
Vous refuse sa voix?
Jamais la politique ou l'intérêt infâme,
Tâchant de remuer les ressorts de mon âme,
Ne purent l'ébranler;
Trop sincère ennemi de toute extravagance,
Ma muse aurait mieux fait, en gardant le silence,
De la dissimuler.
Non, non, les plus grands rois, si fiers de leur puissance,
Ne forcèrent jamais ma libre indépendance
A vanter leurs talents;
L'audace couronnée, avide de louange,
N'attirera jamais, si mon cœur ne s'y range
L'odeur de mon encens.
Et comment célébrer ces fardeaux de la terre,
Fantômes qu'à leur honte on arma du tonnerre,
Sur le trône engourdis,
Ou caresser l'orgueil de ces âmes altières,
Vivant dans la mollesse, inflexibles et fières,
Dignes de nos mépris?
On ne me verra point par des soins si frivoles
Trahissant ma raison, aux pieds de ces idoles,
Parer leurs vains autels;
Malgré ma probité, malgré ma conscience,
Par d'infidèles poids peser sur ma balance
La vertu des mortels.