<64>Le hasard rit ainsi de l'orgueil des humains,
En se jouant dérange et confond leurs desseins;
Injuste dans ses choix, capricieux, volage,
Il sert le téméraire et se refuse au sage.
En vain de l'avenir l'esprit est occupé,
Quel homme à son destin jamais est échappé?
Il est bien des malheurs qu'un insensé s'attire :
Bornons-nous aux revers qu'on ne saurait prédire.
Marlborough, que l'Anglais a si bien désigné,
Qui, livrant des combats, les avait tous gagnés,
Qui n'assiégea jamais de place sans la prendre,
Libérateur du Rhin, conquérant de la Flandre,
Marlborough, le héros, l'âme du parlement,
S'est vu précipiter par madame Masham,a
Qui, d'Anne jusqu'alors suivante peu connue,
Anima contre lui la reine prévenue.
Cette intrigue de cour pour un frivole objet
De vingt rois alliés dérangea le projet.
Vous parlerai-je encor de la flotte invincible,
De ce grand armement, formidable et terrible,
Dont l'immense appareil, couvrant le sein des mers,
Aux Bretons d'un tyran allait porter des fers.
L'Angleterre frémit et parut confondue :
Un grain de vent s'élève, et la flotte est perdue.
Mais où vit-on jamais plus de calamités,
L'enchaînement fatal de plus d'adversités,
Qu'en fournit des Stuarts la malheureuse histoire?
J'en rappelle à regret la sanglante mémoire :
Ces peuples descendus des Pictes indomptés,
Contre leurs souverains sourdement irrités,
A l'abri de leurs lois ont exilé leur reine;
Auprès d'Elisabeth Marie a fui leur haine :
Elle y cherche un asile, elle y trouve un cachot,
Et l'Anglais son vengeur la traîne à l'échafaud.
Mais après son trépas, à sa famille illustre
Le trône des Bretons rendit son premier lustre;


a Voyez t. VIII, p. 171.