<65>Ce théâtre sanglant, entouré de dangers,
Lui laissa du bonheur des moments passagers.
Aux transports turbulents d'un peuple fanatique
On voit Charle opposer sa faible politique :
Il trouve un ennemi cruel et factieux,
Profond, entreprenant, sage, artificieux,
Qu'aucun travail n'abat, qu'aucun danger n'étonne,
Qui d'un bras téméraire ose saper le trône,
Abuse le vulgaire, écrase le puissant,
Et couvre ses forfaits du nom du Dieu vivant.
Cromwell, de tous côtés ayant tendu ses piéges,
Dans le sang de son roi teint ses bras sacriléges,
Et Charles souffre enfin, pour comble d'attentats,
Un supplice inouï, digne des scélérats.
Ainsi finit ce prince, exemple mémorable
Que la grandeur mondaine, un rang si respectable,
Ne garantissent point contre un dur ascendant.
Bientôt Jacques second, plus faible et moins prudent,
Tremblant, déconcerté par sa fille et son gendre,
De ce trône sanglant fut contraint de descendre;
Et ce jeune Édouarda que nous avons tous vu,
Au rang de ses aïeux à demi parvenu,
En héros vagabond courir à sa ruine,
Prouve par ses destins sa funeste origine.
Sans aller parcourir l'histoire du Levant,
Que ne dirai-je pas du sort du jeune Iwan,
D'un monarque déjà poursuivi dès l'enfance?
Une nuit renversa son trône et sa puissance;
Une femme tremblante, ivre de voluptés,
Rassemble des soldats à la hâte ameutés,
Enchaîne le monarque au sein de sa patrie,
Et le fait transporter captif en Sibérie.
Quels faits humiliants pour l'orgueil des humains!
Que de vils instruments ont d'étonnants destins!
J'ai souvent reconnu par mon expérience
Combien peu sert le fil de la vaine prudence.
a Charles-Edouard. Voyez t. III, p. 48.