<101>Catherine sera par Mustapha battue;
Du fond de la Gothie un innombrable essaim
Des murs de Pétersbourg changera le destin;
L'Hellespont rassuré ne verra plus de Russe,
Et l'on extirpera jusqu'au nom de la Prusse.
- Ah! votre âme s'exalte, et vous prophétisez,
Dit doucement quelqu'un. - Les feux sont attisés,
Lui repartit mon homme; on va voir des miracles;
Ce sont des vérités, et non pas des oracles.
- La Lippe à Bückebourgb s'en réjouira bien,
Reprit-on; sans la guerre il ne tient plus à rien;
Voilà l'occasion, il pourra reparaître.
- Il est mort. - Ce matin j'en reçus une lettre.
- Non, il est mort, vous dis-je; un gros marchand forain,
Revenu de Brunswic, fut présent à sa fin.
- Mais ce marchand, monsieur, est mal instruit sans doute.
- Eh quoi! faut-il douter de tout ce qu'on écoute?
- C'est qu'aucun mort jamais du tombeau n'écrivit,
Qu'un marchand n'a d'objet que celui du crédit,
Et qu'on se voit moqué quand on est trop crédule.
- Non, répliqua Damon, je suis né sans scrupule;
Je crois tout bonnement : comment examiner,
Vétiller les propos, sans succès me peiner,
L'esprit toujours tendu, peser dans ma balance
La vérité dans l'un, en l'autre l'apparence?
Non, j'y vais rondement, je crois tout ce qu'on dit;
Journal, folliculaire, imprimé, manuscrit,
Miracles, s'il le faut, rien ne m'est indigeste;
Je figure, il suffit, que m'importe le reste?
- Mais, monsieur... - Mais, monsieur...- Mais la Lippe est vivant.
- Que m'importe qu'il vive ou soit agonisant?
Voilà comme on entend raisonner le vulgaire.
Diderot prévenu croit tout homme un Voltaire,


b Voyez t. V, p. 116. Le comte Guillaume de Schaumbourg-Lippe mourut le 16 septembre 1777.