<123>Et d'un cœur magnanime abandonnons à d'autres
Ces plaisirs enchanteurs qui ne sont plus les nôtres.
La nature abondante et prodigue en ses dons
Nous en a dispensé pour toutes les saisons :
Au printemps de nos jours, heureux temps d'innocence,
La joie est dans les pieds, on court, on saute, on danse;
Bientôt le plaisir monte, et les adolescents
Au centre de leur corps ont le siége des sens;
Au midi de nos jours, ce feu s'élève aux têtes,
Le gain, l'ambition, y causent des tempêtes;
Et quand l'hiver des ans amortit notre ardeur,
La raison nous enchante et fait notre bonheur.
Ainsi, par une loi constante, irrévocable,
La nature a voulu que tout fût variable;
Tout ce qui naît s'accroît, se mine, et se détruit,
Le plus beau jour se voit succédé par la nuit.
Le sage à cette loi se soumet sans murmure;
Il profite en passant des dons de la nature,
Il ne peut en hiver exiger le printemps.
Mais vous, que la nature a comblé de présents,
Soyez reconnaissant, à ses faveurs sensible.
Qu'un fou présomptueux, ingrat, incorrigible,
Lui demande à grands cris d'augmenter ses bienfaits,
Que la volupté seule ait pour lui des attraits;
Comment peut-il toujours nager dans les délices?
L'homme est à chaque instant au bord des précipices;
Affaibli, décrépit, et surchargé de jours,
Qu'il laisse loin de soi folâtrer les Amours.
Que vois-je? ah! quel regard! et qu'est-ce que m'indique
Ce visage allongé, cet air mélancolique?
Votre esprit accablé se livre au désespoir.
Avouez franchement que, sans vous émouvoir,
La mâle austérité de la philosophie
Répugne à votre esprit, l'abat, le mortifie.
Au lieu d'un ami vrai, vous cherchez un flatteur,
Afin d'autoriser, d'aigrir votre douleur;
Je voudrais la guérir, en arracher le germe,