<14>Tous deux, avec un ton plaintif,
Ils vinrent chez le noir monarque;
En pleurant ils dirent : « Seigneur,
Ne souffrez point que dans sa barque
Caron passe un perturbateur
Qui, des mortels le persifleur,
Serait ici notre Aristarque;
Renvoyez-le en tout honneur,
Bien vite et, s'il se peut, sans langue;
Car si là-haut, en belle humeur,
Il jase, pérore ou harangue,
Nous allons mourir de douleur
Des traits perçants de ce railleur. »
Ayant reçu cette requête,
Pluton fit un signe de tête;
L'enfer en parut ébranlé,
Mégère en rit par ironie,
Et le baron fut exilé
Au fin fond de la Germanie.
Demeurez donc chez les vivants :
Ils sont de bonne compagnie,
Moins cruels et plus endurants
Que ce Pluton, que je renie;
Et de vos propos médisants
Ils connaissent depuis longtemps
Le sel attique et la folie.
Restez donc toujours confiné,
Vieux baron, sous notre tropique,
En vous gardant de la colique.
Déjà par Minos condamné,
Attendez, damné pour damné,
Que Sa Majesté diabolique,
Pour ragoûter l'engeance inique
De son grand peuple infortuné,
Peuple pervers à cœur de roche,
Lui serve un jour, pour déjeuner,
D'un chambellan cuit à la broche,