<140>Dans nos jours criminels, la guerre qui vous mine,
Prussiens, semble annoncer la prochaine ruine
De vos vastes États;
L'Europe frénétique, et l'œil brûlant de rage,
Porte dans votre cœur la flamme, le carnage,
L'horreur et le trépas.
Cette hydre, en redressant ses têtes enflammées,
Vomissant des soldats, enfantant des armées,
Sur nous fond en courroux;
Le monstre vainement de vos mains triomphantes
Sentit l'effort puissant; ses têtes renaissantes
Bravent encor vos coups.
Si la Haine et l'Envie, avides de leur proie,
Pensent traiter Berlin comme Agamemnon Troie
Après la mort d'Hector,
O peuple généreux! abattez leurs trophées;
Leurs couleuvres bientôt sous vos pieds étouffées
Feront changer le sort.
C'est dans les grands dangers qu'une âme magnanime
Peut déployer la force et le pouvoir sublime
Du courage d'esprit.
Qu'importe la tempête et Jupiter qui tonne?
L'homme qui, plein d'effroi, lui-même s'abandonne
Est le seul qui périt.
Le souverain des dieux, de ses mains libérales,
Répand sur les humains, de deux urnes égales,
Et les biens et les maux;
Tandis que la nature attentive, assidue,
Fait naître en même temps la casse et la ciguë,
Le cèdre et les roseaux.