<150>Cette terre, de sang, de carnage abreuvée,
Cette foule de morts à nos yeux enlevée,
Atteste nos regrets,
Et des pompes funèbres
Couvrent nos faits célèbres
De lugubres cyprès.
Vous cimentez d'un sang à vos regards servile
Votre gloire abhorrée, atroces conquérants.
Les humains sont-ils donc d'une espèce assez vile
Pour servir de jouets aux fureurs des tyrans?
Cruels ambitieux, vos cœurs nés pour les crimes,
Offrant à la fortune un nombre de victimes,
Méprisent ces soldats
Qui, semblables aux marques,
Ne servent aux monarques
Qu'à gagner des États.
Ces peuples éplorés, ces femmes désolées
Par des sanglots amers réclament leurs enfants;
D'aussi vives douleurs sont-elles consolées
En recueillant des morts les tristes ossements?
Rois, entendez leurs cris, que vos cœurs en gémissent :
Ces imprécations dont elles vous maudissent
Sont le prix réservé
Au cœur dur et farouche
Qu'aucun malheur ne touche
Qu'il n'a point éprouvé.
Je te perds donc aussi, doux espoir de ma vie,
Prince aimable, que Mars aurait dû préserver
Des flèches du trépas que lançait en furie
Ce parricide bras que ton cœur sut braver!