<184>De nos troupeaux, de nos trésors
Pillards et ravisseurs avares,
Ont inondé ces tristes bords,
Précédés par les nombreux corps
Des Cosaques et des Tartares;
L'horreur des dévastations,
Le désespoir et la ruine,
Les misères et la famine
Accompagnent leurs bataillons.
Bientôt leur vaste multitude,
Jointe au corps du brutal Loudon,
Nous entoure avec promptitude,
Et nous enferme d'un cordon.
Ce Buturlin, ce sacrilége,
Environné d'Autrichiens,
Dit : « Allons donc, que l'on assiége
Ces redoutables Prussiens;
Ils sont tombés dans notre piége;
Vive l'esprit des Russiens! »
Mais le dieu de l'intelligence,
Qui n'entre point dans les conseils
Des Midas et de leurs pareils,
Leur envoie dans son absence
La Folie avec ses grelots,
Digne d'endoctriner des sots.
Chez nous, l'active vigilance,
L'honneur et la persévérance,
Tous les matins, au trait vermeil
Que dardait la naissante Aurore,
De nos yeux tout prêts à se clore
Chassait les pavots du sommeil;
Et Mars, qui, selon sa coutume,
Se rit d'un catarrhe ou d'un rhume
Gagné dans ses champs périlleux,
Au lieu de la douillette plume,
Nous fournit des lits plus pompeux
Que n'ont les courtisans oiseux