<20>Si les efforts de l'art que nous pouvons produire
Sont insuffisants pour l'instruire,
Nous pouvons du moins l'amuser.
Momus, aux traits de la folie
Mêlant le sel attique et la vive saillie,
Causait dans le banquet des cieux
Ce rire inextinguible où se livrent les dieux;
De Momus nous avons la rivale en Thalie,
Même fonds de gaîté, mêmes propos joyeux.
Revêts tes brodequins, ma sœur, je t'en supplie;
Que la satire, sur tes pas,
Anime tes portraits d'un noble badinage;
Les sots sont placés ici-bas
Pour les menus plaisirs du sage.
Je suis tout éperdue, et sens mon corps trembler;
A l'aspect imposant d'une illustre princesse,
Sais-je si je pourrai parler?
Mais enfin, sans plus me troubler,
Domptant la frayeur qui m'oppresse,
Je puis sans me déshonorer,
Mes sœurs, moi seule lui montrer
Ce que dans le fond de son être
Elle n'a pu jamais ni trouver ni connaître,
Les vices, les défauts des vulgaires humains,
Le ridicule, la sottise,
Faux pas et tours de balourdise,
Dont le monde fécond nous produit des essaims.
Et si je vous parais encor trop circonspecte,
C'est crainte de mes nourrissons;
Il est dur d'ennuyer les grands que l'on respecte,
Par de maussades histrions.
Ah! tout dégénère au Parnasse;
Les Roscius et les Baronsa
a Michel Baron, comédien français, élevé et formé par Molière, mourut en 1729, âgé de soixante-dix-huit ans. Il conserva jusqu'à sa mort la faveur du public.